TORTURÉS DANS LES PRISONS ISRAÉLIENNES | Samuel Crettenand

Samuel Crettenand est éditeur et photographe, co-fondateur de la Global March to Gaza et coordinateur international pour la Global Sumud Flotilla et Waves of Freedom. Récemment sorti des geôles israéliennes.

LES CHAPITRES DE LA VIDÉO :

00:00:00 La Global Sumud Flotilla
00:07:30 Attaque et protection en eaux internationales
00:23:27 Organisation de la Flottille
00:43:41 Manipulation et tortures des otages
01:01:14 Droits internationaux
01:08:04 Victimes de guerres
01:29:05 Criminels de guerres
01:42:23 Histoire, Education et Intelligence collective

Sortir de l’enfer : Samuel Crettenand raconte la captivité, la torture psychologique et la résistance non-violente en prison israélienne

Un photographe suisse, coordinateur international de la Global Sumud Flotilla, témoigne de six jours de détention dans un système carcéral pensé pour briser les esprits

Samuel Crettenand s’assoit en face d’Antoine dans les studios de TheSwissBox Conversation. Il vient de sortir de prison. Sur son visage, le poids de ce qui vient de se passer. Il y a dans ses yeux cette lumière éteinte de celui qui a traversé « l’une des zones les plus sombres » qu’il ait jamais connues, mais aussi cette flamme inébranlable de celui qui refuse de se laisser écraser. C’est un homme qui a décidé de parler. Pas pour pleurer sur son sort — il a connu pire que lui dans ces mêmes cellules — mais pour témoigner de ce qui se passe derrière les barreaux du Negev, dans ces usines à briser les âmes.

Une mobilisation mondiale sans précédent

Avant même de descendre dans le détail des tortures, Samuel dresse le tableau de ce qu’a été la Global Sumud Flotilla. Les chiffres donnent le vertige : plus de 35000 personnes inscrites de plus de 160 pays avant même le départ. Une armée civile pensée en trois mois. Pas moins.

Pour contextualiser, Samuel rappelle que la Global March to Gaza, qui l’a précédée quelques mois plus tôt, avait d’abord cristallisé un mouvement global. Lui-même en était l’un des fondateurs. Mais bien que cette marche n’ait pas atteint son objectif, elle a créé quelque chose de phénoménal : une prise de conscience collective. De personnes ordinaires se levant et disant non, littéralement, en marchant vers l’injustice.

La flottille, elle, était le pas suivant. L’action physique après la prise de conscience. Et contrairement aux flottilles précédentes depuis 2008, celle-ci avait une ampleur et une capacité de financement inégalées. Près de 70 bateaux au final, coûtant entre 60000 et 120000 francs pièce. Certains propriétaires ont sacrifié 40000 ou 50000 francs sur le prix. Chaque bateau a nécessité environ 30000 francs d’équipement supplémentaire : câbles de communication, vidéo, nourriture, droits de mouillage portuaire.

Des milliers de personnes ont donné 20, 100, 500 francs. Deux personnalités suisses se sont démarquées : une femme à la tête d’une fondation écologique qui a dit simplement « Achète-nous un bateau », et un banquier privé de Genève qui a mobilisé toute son ancienne école — l’École de la Rosé, celle des fils de ministres et de personnalités importantes — en disant : « Je m’en fous de la politique. C’est une histoire humaine. On ne peut pas laisser faire ça. » Cet homme, Jaxy, a même participé à des manifestations syndicales pour soutenir la flottille.

L’attaque aux drones et aux substances chimiques

Mais revenons à ce qui s’est passé réellement sur l’eau. Samuel insiste : il faut comprendre où s’est déroulée la flottille. En Méditerranée, ce « trait d’union entre les hommes » depuis l’Antiquité. Et pourtant, il y a un État capable de capturer, de kidnapper avec des forces armées, de pointer des fusils sur le cœur de civils humanitaires en plein eau internationale. C’est de la piraterie. C’est du terrorisme.

Il y a eu trois attaques. La première, celle de Tunis, a failli tourner au bûcher. Des drones avec des engins incendiaires. Une personne a presque brûlé vive. L’Italie, la Grèce, la Crête… Samuel énumère les zones où la flottille s’est déroulée. Les réactions des États ont été pathétiques.

Pour celle que Samuel a personnellement vécue, au large de la Crête : une attaque au gaz irritant d’abord. Des gens avec des problèmes respiratoires soudains. Des brûlures aux mains. Le but ? Pousser les participants à rentrer dans les cabines des bateaux pour que les drones israéliens puissent découper les voiles. Et ils ont réussi. Ils ont sectionné des haubans en acier de la taille d’un doigt. Les cordages et la voile d’avant détruits. Des charges d’une puissance extrême. Certaines charges n’ont pas explosé, tombant sur le pont. Ils ont risqué de tuer les humanitaires pour forcer leur reddition.

Les gouvernements face au mur

Turquie silencieuse mais agissante. Elle a envoyé des drones armés qui circulaient systématiquement, prêts à intervenir contre les attaques israéliennes. Elle a aussi dépêché trois navires de guerre impressionnants — canons, lance-missiles — sans dire officiellement qu’elle jouait le jeu. Le président turc a simplement déclaré vouloir « s’assurer que la flottille fasse bon voyage ». Discrétion tactique. Mais efficacité réelle.

L’Italie a envoyé un bateau militaire. Du soulagement quand il s’est présenté. Mais au gouvernement d’extrême droite (ou néofasciste, précise Antoine), Samuel n’avait guère d’illusions. L’Espagne, elle, s’était vantée de soutenir la Palestine, de reconnaitre ses droits. Promesses de deux bateaux militaires pour défendre la flottille jusqu’à Gaza. Résultat ? Aucun bateau vu. Annonce d’une retraite stratégique. L’Irlande, la Norvège, la Colombie, le Brésil (Lula y était personnellement) : des soutiens officiels. Mais la France ? Absente. La Suisse ? Pire : elle a menacé ses ressortissants qu’ils n’auraient pas de protection diplomatique.

Et la Tunisie ? Jeu double. Elle a accueilli une réunion de préparation début août. Mais quand les attaques aux drones ont eu lieu, elle a d’abord prétendu que c’était une cigarette qui avait enflammé les bateaux. Mensonge pur. À la deuxième attaque, elle a dû reconnaître l’évidence. Mais elle a barré la sortie des bateaux depuis ses ports.

La pression est venue des États-Unis et d’Israël. Des menaces. Des représailles économiques possibles. Les gens au pouvoir en Suisse, en Espagne, en France ? Proches de l’économie. Perdre les contrats avec les États-Unis et Israël ? C’est perdre des milliards.

Six jours derrière les barreaux du Negev

Ils ont tous pensé que les forces spéciales montreraient les crocs. Mais quand les bateaux se sont fait arraisonner — certains à 80 milles de la côte palestinienne, le plus proche arrivant à 26 milles — ce ne fut pas des commandos d’élite. Des réservistes. Des gars qui ont presque failli tomber à l’eau avec leur harnachement. Pathétique militairement. Mais l’un d’eux, en débarquant du bateau, s’est tourné vers Samuel : « Désolé et bonne chance, parce qu’il savait ce qui allait se passer ensuite avec les forces de sécurité intérieure. »

Ces soldats ne voulaient pas être là. Ils sont eux aussi des victimes d’un système abusif et violent. Depuis l’enfance endoctrinés, beaucoup n’ont pas d’autre choix que cette armée. Samuel raconte une histoire qu’il tient d’un Israélien qu’il avait rencontré en Bolivie à dix-huit ans : « Les seuls qui arrivent à partir, c’est s’ils se tirent une balle dans le genou pour être exclus de l’armée. »

C’est impossible de sortir de ce système. C’est une malédiction de naître en Israël.

Samuel et ses compagnons ont été emmenés à la prison de Ktzi’oth, dans le Negev. Un camp de concentration énorme. La moitié de tous les prisonniers palestiniens passent par ce lieu. C’est ici qu’on enferme les populations massives depuis la première Intifada.

Ils ont été mis à 10-18 personnes dans des cellules de 8. Surpeuplés par construction. Mais ce qui a sauvé ces humanitaires ? L’énergie. Une énergie extraordinaire entre eux. La cohésion. Ils avaient une image qui ne les aurait pas tués. Et cela leur a donné une capacité de résistance et de rébellion permanente que les gardiens ne savaient pas comment gérer.

La non-violence. Pas l’absence d’agressivité, mais une stratégie. Une stratégie extrêmement puissante face aux armes. Les gardiens en ont été complètement déroutés.

Les mécanismes de la déshumanisation

Mais revenons aux techniques. D’abord, les rafles nocturnes. Des hommes cagoulés, casqués, boucliers, armes. Ils débarquent avec un grand bruit. Tout le monde debout. Levez-vous. Lasers pointés sur la tête. Fouilles systématiques. Retournement des matelas. Sortie d’une personne pour l’interroger. Retour. Et cela recommence. Une nuit, avant la première vague de libération ? Toutes les demi-heures. Vous réveiller. Vous laissez pas dormir.

Pourquoi ? C’est juste un prétexte. Ils savent très bien que personne ne rentre ni ne sort. C’est de la torture psychologique pure. Du bruit de la porte principale qui claque comme dans les films d’horreur américaine. Quatre cadenas sur les portes, bien qu’elles soient déjà fermées automatiquement. Mais il y a la trappe. Cette fameuse petite ouverture par laquelle on passe la nourriture. La plus grande fissure dans le grillage. Par là, on peut voir les cellules d’en face. Enjeu psychologique énorme.

Quand les humanitaires crient « Free Palestine » jour et nuit. Quand ils demandent de l’insuline pour les gens qui vont mourir — des gens avec des problèmes d’hypertension, des crises d’asthme — en tapant contre les cellules pendant trois jours : « Insuline for 17, 16 », le système répond : « On n’a pas de médecin pour les animaux. »

La déshumanisation. Tout un processus systématique. Se faire cracher dessus. Se faire bousculer. Se faire frapper avec la crosse des fusils. Être transféré dans des positions avec des clés de bras. Samuel a vu quelqu’un avec une attelle. Il dit « Je sais pas si c’est cassé aussi. » Ils lui ont déchiré un ménisque.

Isolement pour ceux qui sont trop rebelles. Conditions encore plus précaires. Les toilettes débordent d’eau. Pas de papier hygiénique suffisant. Samuel a coupé une assiette en plastique pour en faire une raclette. Il a nettoyé les toilettes de la cellule. Il a coupé une couverture. Il a dit aux autres : « Maintenant, chacun qui passe ici nettoie après. On va avoir un peu de dignité. »

Les lumières surpuissantes. Les plafonniers qui éblouissent dès qu’on les allume. Et puis… les télévisions sur les grilles. Des images du 7 octobre en boucle. Les sons des cris des gens assassinés pendant le 7 octobre. Nonstop. À partir du troisième, quatrième, cinquième jour. De la torture sensorielle.

Samuel avait réussi à voir les images, même celles censées être secrètes. Il savait ce qu’il y avait. Presque tout. Sauf une exaction : un homme découpé avec une bêche de jardin. C’est la seule chose qu’il n’avait pas encore vue. Mais ce qu’Israël a gardé précieusement caché ? Les images des hélicoptères israeliens qui ont détruit les voitures. Parce que c’est clair et net : l’armée israélienne a tué ses propres civils. C’est la directive Hannibal. Ils ont tué une grande partie des civils israéliens.

Pas d’images de bébés décapités présentées. Pas d’images de viols. Pas de fours. Pas de bébés suspendus sortis du ventre de la mer. Aucune de ces atrocités dont la propagande israélienne se fait l’écho. Mais des exactions palestiniennes ? Samuel en voit tous les jours.

Pas d’avocats. Pas de soins médicaux.

Six jours sans voir un avocat. Zéro. Six jours sans visite médicale. Six jours enfermés dans un univers carcéral sans jamais sortir excepté pour voir le juge. Et cette audience ? Cinq minutes. Avec une juge en habits traditionnels, extrêmement sioniste, pas du tout impartiale.

Elle demande : « Pourquoi êtes-vous rentré en Israël ? »

Samuel répond : « Mais je ne suis jamais rentré en Israël. Vous m’avez kidnappé. »

Elle insiste : « Vous ne voulez pas reconnaître que vous êtes rentré illégalement ? »

Samuel : « D’abord, quelles sont les limites d’Israël ? Si ça se trouve, à la maison, je suis déjà en Israël. »

La juge : « Vous n’avez pas le droit de poser des questions. »

Samuel : « Je ne peux pas répondre à votre question puisque vous êtes le seul pays qui n’a pas défini ses frontières. Comment saurais-je si je suis rentré en Israël ? »

Fin rapide. Reconduit à la cellule.

Aucun soin dentaire. Pas d’eau suffisante pour se laver. Trois semaines en mer à se laver à l’eau salée. Arrivée à la prison sale. Une barre d’eau froide. Un petit lavabo. C’est tout. Les toilettes, une toile dans un coin. L’hygiène ? Un concept absent du système carcéral israélien.

Et quand les humanitaires scandent « Free Palestine », quand ils demandent de l’aide pour les malades, les gardiens viennent massivement, les menacent, les frappent.

Entre la vie et la mort

Puis vient le transfert. Ces camions. Pour quatre personnes, une boîte fermée sur cinq côtés, juste une grille d’aération. Personne ne peut être épaule contre épaule. On était en quinconce. Laissé pendant une heure au plein soleil. La température montait. Les lunettes ruisselaient de transpiration. Puis, quand ils ont bien transpiré, les gardiens les ont mis dans un autre camion avec la climatisation poussée à maximum. Le choc thermique. Stratégie de contrôle.

Puis deux heures trente à trois heures de trajet. Ballottés. Des chaînes qui tapent contre les parois. Déstabilisation psychologique continue. Arrivée à Amman en Jordanie. Sortie des camions, tout le monde crie « Free Palestine ». Les Israéliens menacent de les garder dedans. Mais les Jordaniens qui supervisent le transfert disent : « Arrêtez ça, c’est extrêmement dangereux. »

Eux aussi à la botte d’Israël. Mais la population jordanienne ? Merveilleuse. Une femme a pris Samuel et ses compagnons, les a emmenés dans un centre commercial qui lui appartient. « Prenez tout ce que vous voulez. Des habits, un pull, une veste, un pantalon. » Cela s’est passé après que le consul suisse lui ait donné 40 francs. Juste 40 francs.

La position de la Suisse : irresponsabilité et complaisance

Antoine demande : « Où était la Suisse ? »

Samuel explose presque. Le gouvernement suisse a refusé de protéger ses citoyens. Cassis, le ministre des Affaires étrangères, était autrefois président du groupe parlementaire Suisse-Israël. Impartial ? Clairement non.

Les juridicts avaient informé Cassis des violations du droit international. Il a fermé les yeux. Les juristes avaient mis en avant que les bateaux battaient pavillon de diverses nationalités, donc que toute intervention israélienne était une violation territoriale. Silence radio.

La Suisse a même menacé ses ressortissants qu’ils n’auraient pas de protection diplomatique. Un pays qui prétend à la neutralité, qui vend ses valeurs de droits humains à la criée, demande simplement à Israël : « Faites ce que vous voulez, on ne nous mêlerons pas de ça. »

Les premières vagues de prisonniers libérés ? Les Turcs les ont pris en charge. Logement, nourriture, vêtements, paiement des billets jusqu’en Suisse. La deuxième vague ? La Suisse demande 5000 francs d’avance de frais. 600 heures de travail qui vont être facturées par le DFA. Du travail pour quoi faire ? C’est leur job. On se demande ce qu’ils font autrement.

Un ambassadeur arrive et donne 40 francs. Puis dit qu’il y aura des émoluments à rembourser. Pour les premiers, c’était 40. Pour la deuxième vague, 50. Tout vague. Tout fait pour dire à Israël : « Regardez, on ne s’en mêle pas. C’est leur problème. Ils vont se débrouiller jusqu’au bout. »

Pendant ce temps, la Turquie — une Turquie qui n’a pas dit un mot — a été extrêmement généreuse et responsable.

Le message ? La Suisse veut continuer à faire de la lèche aux Israéliens. C’est moche. C’est pitoyable.

Et dans les journaux suisses ? Silence sur les violations du droit international. Silence sur ce qu’on pourrait appeler de la piraterie. Silence sur la complaisance gouvernementale.

L’énergie extraordinaire de la rébellion non-violente

Mais voilà ce qui a sauvé ces humanitaires : la non-violence. Pas l’absence d’agressivité — ils auraient pu riposter quand les chiens ont été lâchés sur eux, quand les fusils à pompe se sont pointés sur leurs tempes — mais une stratégie. Une arme redoutable face à la violence armée.

Il y avait là des gens de 18 à 96 ans dans les cellules. Des médecins, des juristes, des artistes, des poètes. La plus belle diversité jamais réunie dans une cellule de prison. Et tous mus par la même détermination : ne pas montrer sa peur, ne pas se casser, continuer.

Samuel disait aux gardiens en passant : « Tu sais, moi je vais sortir dans une semaine, un mois, peut-être deux. Mais toi ? Tu vas rester en prison toute ta vie dans cet espace de violence. »

Certains gardiens ont changé d’attitude entre l’arrivée et le départ. Ils ont compris que c’étaient des civils. Pas des combattants. Juste des gens qui avaient dit non.

La grande différence avec les prisonniers palestiniens ? Eux aussi dans les mêmes cellules. Eux aussi soumis aux mêmes tortures. Mais ils ne savent pas s’ils vont sortir. S’ils vont être tués. Quel est le degré de violence que subissent les tortionnaires. Les humanitaires bénéficiaient d’une espérance : sortie en quelques jours ou semaines. Cette espérance leur permettait de puiser dans leurs ressources. Les Palestiniens ? Pas d’espérance. Juste l’infini de la prison.

Une cause plus grande que soi

Alors pourquoi Samuel a-t-il refusé de signer les documents qui l’auraient inculpé pour « entrée illégale en Israël » ? Pourquoi a-t-il crié « Free Palestine » à la face des consuls suisse et italien, créant des incidents qui ont failli lui en coûter plus cher ?

Parce que la cause dépasse l’individu. La mission de la flottille n’était pas humanitaire — pas au sens que les gouvernements l’entendent. Elle était politique. Révolutionnaire. Elle visait à briser le mensonge, cette propagande israélienne qui date de 1948.

Et c’est fonctionnel. Des sondages qui viennent de sortir montrent qu’il y a maintenant plus d’Américains favorables aux Palestiniens qu’aux Israéliens. Un changement de cap phénoménal. L’Asbara — la propagande israélienne — a commencé à se fissurer. Le miroir s’est brisé. On voit maintenant ce qui se passe derrière la façade.

Il y a eu des suites. Les dockers italiens de Gênes ont bloqué un navire israélien. Deux millions de personnes dans la rue en Italie seule lors de l’arrestation de la flottille. Un million en Angleterre. Ils ont bloqué le pays pour une cause extérieure. Ça représente cinq pour cent de la population italienne dans les rues. Inimaginable.

Maintenant

Samuel est maintenant en grève de la faim depuis son kidnapping. Il a quatre objectifs : la libération de tous les participants de la flottille (réalisé avant-hier), la libération de tous les prisonniers de la deuxième flottille aussi (réalisé en même temps), la solidarité avec les plus de 10000 prisonniers palestiniens en Israël, et la cessation de tous les liens — économique, politique, culturel — entre la Suisse et Israël.

Il a aussi une cinquième cause : les enfants. C’est la seule chose où il n’y a aucun argument possible. Les enfants de Gaza. Les enfants de Palestine. Le seul tort qu’ils ont, c’est d’être nés là. Ils sont les gardiens de cette terre, les gardiens de l’appartenance, de l’amour d’une communauté.

Et puis il y a les journalistes. Plus de 300 morts. Du jamais vu dans l’histoire de toutes les guerres combinées. Cibler si précisément, si méthodiquement. Samuel suivait un journaliste sur les réseaux, Salé, qui aimait mettre en image ses enfants. Tué hier. L’amour pour ses enfants était trop dangereux pour Israël.

Un monde qui s’effondre

Quand on demande à Samuel s’il croit au cessez-le-feu annoncé, il hésite. Il croit à la puissance de la rue. À la rupture économique. À l’isolement. Il croit que les conséquences vont se faire sentir à long terme. Qu’Israël finira par s’effondrer sous le poids de ses propres contradictions.

Mais les bombardements n’ont pas arrêté. Les ciblages continuent. Seul ceux qui regardent les médias traditionnels — où on entend « inepsie sur inepsie à longueur de journée » — y croient vraiment.

Une chaîne anglaise a dit que l’« otage » prisonnier de guerre israélien « avait été kidnappé dans son tank ». Hallucinant. Parce que les humanitaires ? Pas question d’être kidnappés. Pas question d’être des otages. Mais le soldat israélien dans son tank ? C’est un otage kidnappé. Les mots ne veulent plus rien dire.

Et pourtant, il y a de l’espoir. L’opinion populaire change. Les gouvernements se retrouvent pris entre leurs intérêts économiques et la pression populaire croissante. Bientôt, défendre Israël deviendra politiquement coûteux. Plus personne ne voudra dépendre des fonds de l’IPAC, le lobby israélien.

Mais il y a aussi les questions sans réponse. Comment arrêter littéralement le massacre ? Si le cessez-le-feu ne tient pas — ce qui semble de plus en plus probable — que fait-on ? Faut-il réorganiser la flottille ? Continuer ? Se battre ?

Samuel hésite pas : « Oui. Les prochaines sont déjà en route. »

Un testament

À la fin de l’entretien, Samuel regarde Antoine directement. Il dit calmement :

« Moi, j’ai zéro illusion sur le plan de paix. Mais la puissance de la rue, les mouvements de grève, les ports bloqués — ça, on peut pas les arrêter. Vous rendez compte ? Deux millions de personnes en Italie. Une million en Angleterre. C’est ça qui va créer le changement. Pas les gouvernements. C’est les gens. »

Il y a quelque chose de brisé et d’indéboulonnable chez Samuel Crettenand. Les six jours en prison n’ont pas tué ce qui devait mourir. Peut-être au contraire l’ont-ils libéré. Libéré de l’illusion que les gouvernements feraient un jour ce qui est juste. Libéré de l’espoir que les médias traditionnels diraient un jour la vérité.

Ce qu’il reste ? Une certitude : qu’avec chaque personne qui descend dans la rue, chaque port qui ferme ses portes aux navires israéliens, chaque grève, chaque refus de collaborer — le système se fissure. Le miroir de la propagande se brise.

Et puis, il y a les humanitaires. Ceux qui sont prêts à tout sacrifier — leur liberté, leur dignité, parfois même leur vie — pour dire non à l’injustice. Personne ne peut arrêter ça.

Malgré tout ce qui vient de lui arriver, Samuel sourire faiblement. Il dit : « On va continuer. »

Et c’est là que réside l’espoir le plus inébranlable. Pas dans les gouvernements. Pas dans la diplomatie. Mais dans cette simple déclaration : on va continuer.


Note de la rédaction : Au moment de cette conversation, la situation au Moyen-Orient reste en flux constant. Le cessez-le-feu annoncé a déjà été violé à plusieurs reprises. Plus de 300 journalistes ont été tués à Gaza depuis le 7 octobre 2023. Plus de 10000 prisonniers palestiniens restent en détention en Israël, beaucoup sans procès, sans accusations formelles. Les violations du droit international documentées par les humanitaires de la Global Sumud Flotilla attendent toujours une réponse légale de la communauté internationale. La flottille n’a pas atteint Gaza. Mais le message, lui, a traversé le monde.

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